9/22/2008

Un Dom Juan pouët pouët de gauche


Marqué par son passage dans le groupe T'chan'g de Didier-George Gabily, Yann-Joël Collin est un des survivants du théâtre de troupe et de groupe à l'ère de la massification qui s'impose de plus en plus dans nos usines à gaz théâtrales, où règne en maître le plus froid des monstres froids : le théâtre visuel et ses acteurs bardés de micros, aux effigies démultipliées par des captations vidéos de toutes sortes... Lui et la compagnie La Nuit surprise pour le jour ont monté en 2007 un Dom Juan que l'on peut voir en ce moment au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, égayé par l'arrivée de son nouveau directeur, Christophe Rauck. Un spectacle du dimanche aux intentions louables.

On voudrait pouvoir défendre cet amusant divertissement rempli de bonnes intentions, qui fait rire les enfants et chanter les parents sur "On ira tous au paradis" de je-ne-sais-plus-qui, qu'entonne le grand seigneur méchant homme avant de mourir au dernier acte, au moment le plus ordalique. Las, comme le montre cet exemple parmi d'autres, le spectacle brille plus par son goût doûteux que par ses trouvailles ingénues. Après une première heure qui ne laisse pas porter de jugement définitif, et où l'on se sent encore somme toute porté par la jovialité qui réunit scène et salle (un peu énervé quand même du traitement approximatif du texte de Molière et des gros effets Bozo le clown), on s'irrite lorsque la troupe nous laisse en plan devant un écran pendant tout un acte, celui de la forêt et du mendiant, entièrement filmé sur le petit parvis du théâtre. Cette mise en scène du dedans-dehors, outre qu'elle n'est pas nouvelle , outre qu'elle va à l'encontre des convictions du théâtre de tréteau dont se réclame pourtant la bande de sympathiques drilles, n'exploite pas du tout le cadre "réel" de Saint-Denis et ennuie assez rapidement.

La deuxième partie après l'entracte, le souper de pierre, est une foirade dans le mauvais sens du terme : peut-être pour nous réveiller de notre demie-heure de cinéma, les comédiens n'en finissent pas de monter et descendre de scène, de s'agiter à grandes ruades, de hurler, de déplacer force micros et tréteaux pour au final, donc, chanter "On ira tous au Paradis". Ce dernier acte voit l'accumulation de toutes les facilités gratuites : "toc-toc" dans les micros avant de parler, comédiens qui picolent avec l'équipe technique venue remballer des décors. Quant à la mise en scène du monologue libertin de Dom Juan comme un discours d'Olivier Besancenot possédé par Malcom X, pourquoi pas... Certaines idées méritent d'être un peu plus martelées que de coutume par les temps qui courent...

Le passage le plus réussi est sans conteste la scène paysanne, car le sens du comique de la troupe s'y déploie à merveille, le tout porté par un acteur (celui qui incarne Pierrot,) que j'ai personnellement trouvé extraordinaire.

Tout le spectacle est conçu pour rompre la barrière entre la scène et la salle, mais au final c'est quand même Molière qui semble tombé dans la fosse à orchestre. Dommage car on aurait aimer avoir aimé. Mais après une heure de poilade rigolade, on se dit "c'est too much", "pas très fin", "encore!". Une heure, c'est déjà pas mal vu l'époque, me direz-vous à raison. Un spectacle un peu trop bien intentionné, parfois inspiré, et un peu trop cordial - comme ces gens qui se sentent obligés de vous embrasser trois fois au lieu d'une.

Photo: Dom Juan face à Sganarelle, acte V.

没有评论: