
Les expériences uniques, celles qui marquent pour toute une vie, laissent sans voix et sans mots. Dans Parades & changes, Anne Collod, danseuse mais aussi biologiste, revisite l'oeuvre d'Anna Halprin, pionnière de la nouvelle danse qui monta cette séquence en 1964, en collaboration avec le compositeur Morton Subotnik. Ce travail de 1964 correspond à l'invention d'une nouvelle manière de danser, libérée des anciennes contraintes, en imaginant de nouvelles règles autour de structures libres, un nouveau dialogue entre corps et musique. Ce que Subotnik appelle une "musique de danse, ou avec la danse".
Le spectacle est magnifique car il allie le sentiment de profondeur historique avec celui d'intense actualité de ce qu'il nous fait vivre. Profondeur historique car, dans le souci de restitution de l'équipe d'Anne Collod, composé de danseurs mais aussi d'amateurs, on retrouve l'esprit libertaire et visionnaire de cette oeuvre fondatrice : le jeu de "dressing undressing" qui structure l'ensemble des séquences ou "blocs" (pour citer Subotnik) est un appel à la libération de l'assignation identitaire sociale et un hommage abrupt aux sans noms et aux sans grade,avec lesquels Halprin a travaillé. Picaro modernes ou SDF, les danseurs se dépouillent, s'enduisent, se revêtent de papier kraft (photo) ou encore d'objets trouvés disséminés sur le plateau ,pour finir par ressembler à des colosses extraterrestres, amas d'objets trouvés avançant vers nous avec la gravité et la légèreté du premier homme sur la lune (1969).
Eclatante actualité qui ne peut qu'émouvoir, en cette époque d'intériorisation des contraintes, de disciplinarisation des consciences, de retour au pragmatisme, de souffrances tant bien que mal assumées et "gérées", lorsque l'on voit et l'on sent ces corps se dénuder dans la plus parfaite écoute les uns des autres. Sentiment d'un tournant raté, celui des années qui ont vu naître ce spectacle longtemps interdit aux US.
La contrainte structurante de cette nouvelle manière de danser repose sur ce qu'Halprin et Dubrovnick appellent le scoring: les danseurs improvisent à l'intérieur de séquences organisées en amont, de façon à faire émerger des effets de structure. Ces séquences réglées constituent des "blocs" reliés les uns aux autres, dont les combinaisons produisent chaque soir une forme nouvelle. Le scoring consiste ainsi pour le danseur à accomplir la tâche fixée à l'avance avec ses partenaires, mais sans que le "comment" (la manière d'y arriver) soit quant à lui imposé.
J'insère ci-dessous le schéma du graphiste, performer Mathias Poisson, qui a collaboré à ce spectacle en repensant les agencement des scores. Sa recherche artistique se concentre sur les nouveaux phénomènes d'errance et l'évolution de la notion de frontière. Il organise par exemple des "promades floues", promenades à travers la ville avec des lunettes déformant la vision... et toutes sortes de déambulations guidées qui en appellent à la remise en question de la perception quotidienne de nos itinéraires tout tracés. Son site est passionnant et généreux.

Vidéo et musique: Warmth of the sun (1964) des Beach boys, musique de la séquence de la paper danse. On apprend par Guy sur le site "Un soir ou un autre" que cette chanson mythique a été composée par Brian Wilson le soir de l'assassinat de Kennedy.
Le spectacle est magnifique car il allie le sentiment de profondeur historique avec celui d'intense actualité de ce qu'il nous fait vivre. Profondeur historique car, dans le souci de restitution de l'équipe d'Anne Collod, composé de danseurs mais aussi d'amateurs, on retrouve l'esprit libertaire et visionnaire de cette oeuvre fondatrice : le jeu de "dressing undressing" qui structure l'ensemble des séquences ou "blocs" (pour citer Subotnik) est un appel à la libération de l'assignation identitaire sociale et un hommage abrupt aux sans noms et aux sans grade,avec lesquels Halprin a travaillé. Picaro modernes ou SDF, les danseurs se dépouillent, s'enduisent, se revêtent de papier kraft (photo) ou encore d'objets trouvés disséminés sur le plateau ,pour finir par ressembler à des colosses extraterrestres, amas d'objets trouvés avançant vers nous avec la gravité et la légèreté du premier homme sur la lune (1969).
Eclatante actualité qui ne peut qu'émouvoir, en cette époque d'intériorisation des contraintes, de disciplinarisation des consciences, de retour au pragmatisme, de souffrances tant bien que mal assumées et "gérées", lorsque l'on voit et l'on sent ces corps se dénuder dans la plus parfaite écoute les uns des autres. Sentiment d'un tournant raté, celui des années qui ont vu naître ce spectacle longtemps interdit aux US.
J'insère ci-dessous le schéma du graphiste, performer Mathias Poisson, qui a collaboré à ce spectacle en repensant les agencement des scores. Sa recherche artistique se concentre sur les nouveaux phénomènes d'errance et l'évolution de la notion de frontière. Il organise par exemple des "promades floues", promenades à travers la ville avec des lunettes déformant la vision... et toutes sortes de déambulations guidées qui en appellent à la remise en question de la perception quotidienne de nos itinéraires tout tracés. Son site est passionnant et généreux.

Vidéo et musique: Warmth of the sun (1964) des Beach boys, musique de la séquence de la paper danse. On apprend par Guy sur le site "Un soir ou un autre" que cette chanson mythique a été composée par Brian Wilson le soir de l'assassinat de Kennedy.
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