
Manière de se raturer, tout en sauvant la face et en invoquant la magie du théâtre, il n'empêche qu'on dirait qu'il a envie de nous planter là, ce type. Et pourtant pas, il revient... Il a changé de Soi en coulisses, même si son nouveau Moi ne sort pas totalement convaincu de cet exercice transformiste : "Moi je n'arrête pas de me poser des questions sur les rapports entre moi et mon personnage, mais ça me regarde".
Voilà comment commence la pièce: un type qui nous dit qu'il se pose des questions sur un autre type. L'auteur acteur fait des histoires et se prépare à nous raconter son service militaire dans la flotte russe avant la chute de l'URSS. Il s'ensuit une épopée d'hurluberlu, la traversée d'un moussaillon se retrouvant à faire pipi avec ses congénères bidasses dans le trou du cul du monde.
C'est encore sur le mode du souvenir que Grichkovets écrit et joue En même temps. En jonglant avec ses bribes d'identité contenues dans des objets sans intérêt, il cherche à se découvrir un point commun avec le spectateur. C'est aussi l'identité d'un sujet coupé de l'Histoire et privé de parole jusquà la chute du mur de Berlin qui essaie ici de tisser du lien et de rassembler : "Les gens viennent au théâtre pour entendre parler d'eux-mêmes."
Dans La Ville, autre "monospectacle", il essaie encore de se souvenir au point que ça en devient bien sûr absurde : « Je ne me souviens pas d’un moment précis où mon mode de vie serait devenu une suite absurde de… d’actions. » « Je ne me souviens pas comment j’ai pu me réjouir de l’achat d’un canapé… ou me réjouir en général. Je ne comprends pas. Et en général, la manière dont je comprenais avant, enfin comprenais, c’est fini… ça ne marche plus. Maintenant, même les choses les plus élémentaires, je ne les comprends plus. Et puisque je ne comprends rien, je vois tout… »
Le théâtre de Grichkovets surgit du néant, c'est un théâtre qui a perdu la mémoire et qui essaie de la retrouver devant nous.
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