
Tout a donc commencé il y a longtemps, et il revient ici au spectateur de s’en souvenir. comme d’un atavisme partagé par tous. Atropa n’est autre que le nom latin donnée à une espèce de plante dont le suc altère les capacités de la mémoire. L’ivresse du pouvoir est ici l’opium des conquérants, ceux-là mêmes qui pensent bâtir un empire alors qu’il ne font que répéter des crimes passés. C'est l'oubli permet à l’histoire incessamment de répéter ses atrocités, « for ever ». Comme dans une chanson d'amour.
De l’artiste qui consent et collabore (Köpler dans Mefisto for ever) au chef de guerre qui sacrifie sa fille à son armée et à la gloire par peur de perdre son trône (Agamenon dans Atropa), qui corit enfouir son geste meurtrier sous les lauriers de l’Histoire, la même folie du pouvoir se raconte et surtout se répète, affirmant à la fois son actualité et son intemporalité : celle du déni, du sacrifice des autres, de l’instinct de survie et de domination. L’héroisme épique ne serait donc que le cache-misère de la peur de la mort.
Atropa, fleur de l’oubli, prend dès l’ouverture les traits d’Hélène, magistralement perchée sur une ruine, filmant de dos son visage en larmes (agrandi et projeté sur un écran géant en arrière-scène). Hélène sans figure: sans trope... Son monologue, aussi doux que destructeur, surplombe à rebours l’ensemble de cette trilogie : détruisons puisque nous ne pouvons aimer, « puisque » c’est ainsi.
Comme Hélène, les femmes hantent cette trilogie : en apparence reléguées au second plan, putain corrompue ou femme dévouée jusqu’à la servilité, elles restent lucides pendant que l’homme s’égare dans sa folie des grandeurs. Ce sont à elles que Cassiers donne ici le dernier mot et le droit de condamner. Bien que vieille, usée, elle-même meurtrière et meurtrie, Clytemnestre aura la force d’abandonner pour un hypothétique ailleurs le bedonnant Agamemnon, accroché comme un pantin aux derniers fils de son rêve effiloché, bègue perdu dans sa solitude de mégalomane : « nous »…. « nous »…. « nous »…. seront ses derniers mots, et l’écho tout aussi vain et stupide que les « je » des autres surmâles de cette trilogie.
Photo: Rodin, Pleureuse
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