10/15/2008

Trop de Shakespeare tue Shakespeare (Le Conte d'hiver mis en scène par Jacques Osinski)

Il y a chez Jacques Osinski, nouveau directeur de la MC2 Grenoble, quelque chose de son ancien professeur Claude Régy, bien que certainement cette filiation forcée l'eût énervé : un art de l’épure, une attirance pour l’intime, la lenteur, la volonté de faire passer les choses avec simplicité et pudeur, sans ostentation, sans déclamation, sans tomber dans le théâtre… C’est probablement à cette peur de « faire du théâtre », comme dirait Py, que tient le semi-échec de son Conte d’hiver, repris en ce moment dans la grande salle de la MC2, et qui l’amène à une approche hésitante de l’œuvre de Shakespeare.


Mixture baroque, la pièce fait en son centrer basculer la tragédie (première partie de la pièce) dans la bouffonnerie (seconde partie), le tout orchestrée par le Temps, allégorie qui tient le rôle du grand marionnettiste. Comme le montre le célèbre défi de mise en scène de l’ours, la pièce de Shakespeare ne peut s’aborder sans jouer avec les excès du théâtre, sans jouer à faire du théâtre... Osinski, en voulant faire du Osinski, c’est-à-dire du théâtre mental et intellectuel, n'ose guère: il aplatit les choses sous le couvercle de plomb d’un plateau blanc, d’où sortent de temps en temps des éléments verticaux assez mal exploités par les acteurs, et donc un peu esthétisants.


Si la première partie (jusqu’au monologue, très beau, du Temps) retient l’attention par son élégance et sa retenue, la seconde partie, baroque et bouffonne est bel et bien ratée, ainsi que le dénouement : l’apparition d’Hermione en statue reprenant lentement, très lentement, extrêmement lentement, tellement lentement, vie…


On comprend qu’Osinski, intéressé par le traitement du temps, ait été attiré par cette pièce, mais il en a fait un objet lisse et maladroit, comme s’il ne maîtrisait pas son arythmie. Il reste que c’est un travail prometteur car révélateur d’un sain esprit de contradiction (il est aisé de faire « fonctionner » la pièce et ses effets prémédités), moins aisé d'en faire ressortir la simplicité et la pureté). Mon doute excède les ratages de la mise en scène et tient à la nécessité de monter cette pièce volatile, méditation habile sur le temps et la transmission, oui, mais où la « fabrique » du théâtre se fait , à mon sens, trop sentir pour nous interpeller en profondeur.


Car oui, monter un classique fait "voir" la mise en scène, et valorise le metteur en scène. Mais de grâce: montons autre chose que du Shakespeare, Jacques, et les autres!


Illustration: Caspar Friedrich, L'épave du désespoir, 1824

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