12/01/2008

Stramm, langue coupée


"Espèce de putain, baiser les cadavres des autres"... Ce pourrait être du Copi, mais on trouve cette réplique dans Forces, pièce de 1914 (!) de August Stramm, dont on peut voir en ce moment une mise en scène par Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma (au Théâtre de la Cité, jusqu'au 20 décembre). Dans cette pièce d'environ 45 minutes, le personnage de l''Amie finira d'ailleurs comme Irina dans L'Homosexuel de Copi : la langue coupée.

Le spectacle se compose de trois pièces courtes dont l'ordre suit la maturation fulgurante de l'écriture de l'auteur expressionniste allemand, mort dans les tranchées de la Grande Guerre : "il s'agit pour nous, suivant l'évolution stylistique de Stramm, de resserrer l'image et le jeu dans une sorte de glissement qui partirait du réalisme rudimentaire, traversant le symbolisme introspectif de La fiancée des landes pour s'accomplir dans l'expressionnisme exacerbé, froid et économe, de Forces" (Programme du spectacle).

La syntaxe de Stramm, contemporain de Freud et Wittgenstein, cloue le bec : parce qu'elle est réduite au minimum, elle porte au jour tous les gonds du langage (Nietzsche pas loin non plus), tous les "noeuds" (pour citer le psychanalyste Ronald Laing) qui font de nous de petits dramaturges.

Forces est une pièce extrêmement impressionnante, ici livrée avec un sérieux et une maîtrise réjouissants : impressionante par sa langue, les contrastes convulsifs et les replis de cette dernière, mais aussi par la mathématique sensuelle du jeu de Dominique Reymond (photo) la précision d'ensemble du travail gestuel, les choix économes et précis de la mise en scène.

Une pantomime gesticulée des plus folles... et des plus sobres. Ah!

没有评论:

博客归档